De la stratégie électorale en Grèce (Mon article le 27 aout dans le journal Les Echos)

De la stratégie électorale en Grèce

Les élections qui ont été annoncées en Grèce répondent à un double objectif. D’une part, la consolidation du récent accord passé avec les partenaires européens, et de l’autre, la clarification de la ligne politique du Premier Ministre grec. Concernant l’accord, la déclaration de Merkel dit tout : “Les élections en Grèce font partie de la solution et non pas de la crise.” Autrement dit, en retournant devant les électeurs, on rend plus facile une solution de la crise grecque. Parce que le résultat espéré de l’élection, selon ce que disent les experts et les enquêtes, serait un Parlement grec comportant une majorité de partis pro-européens prêts à faire les réformes indispensables pour que la Grèce demeure dans la zone euro. En effet, aucun parti n’est en mesure d’avoir seul la majorité. On considère en revanche comme acquis qu’avoir un Parlement multipartis engendrera un gouvernement de coalition. Et peut-être une telle perspective serait la plus sûre pour corriger la situation dans laquelle se trouve le pays. Car ce qui importe par dessus tout est l’intérêt de la Nation dans le cadre de son intégration européenne. Cela implique pour la Grèce la nécessité d’une longue période de stabilité, de coopération des forces pro-européennes, de conscience collective et de volontarisme ordonné, en sorte de s’engager sur la pistes de la transition européenne de manière irréversible. La Grèce a besoin de reprendre confiance dans ses forces, de dynamiser sa jeunesse, que ses citoyens retrouvent l’Espoir. Il faut qu’elle acquière une conscience européenne, pour progresser avec courage, confiance en soi et optimisme, fuyant les soubresauts perturbateurs des crises de ces dernières années. La Grèce a besoin, par suite, d’un renouvellement de ses forces politiques. Et cela ne peut se réaliser qu’à travers des réformes qui soient en harmonie avec la réalité européenne. Une telle transition ne peut s’opérer dans la situation politique actuelle que par une large coopération entre les partis pro-européens élus au nouveau Parlement. Mais même si cela ne se faisait pas en raison de misérables détails techniques (comme cela se produit souvent en cas d’intervention des populistes dans la vie politique du pays), même alors, il faudrait configurer une élite gouvernementale de personnalités capables de procéder à la réinsertion européenne du pays. Ceci est le premier effet que l’on puisse attendre de ces élections. Le second relève du Premier Ministre grec lui-même. Il a tout promis avant les élections, fait des alliances idéologiques contre nature et quand il a réalisé que son bluff n’était pas passé, il a capitulé face aux partenaires en signant un troisième protocole beaucoup plus sévère que les deux précédents. L’aile radicale de son parti n’a pas admis l’accord et a voté contre au Parlement. Si l’accord est passé, c’est avec les votes de l’opposition. M. Tsipras ne pouvait pas continuer à gouverner ainsi, en étant à la fois l’otage de l’opposition et des radicaux de gauche, lesquels avaient créé une forte dissidence, organisée au sein même du parti gouvernemental. Le Premier Ministre grec à travers le processus électoral veut débarrasser son chemin de ce « gauchisme » qui lui pèse. Et, simultanément, évaluer quelles sont ses forces, dans l’optique de capitaliser sur le climat actuellement positif du monde à son égard. En déclenchant des élections sitôt après qu’ait été délivrée la première tranche de l’accord avec les partenaires, et avant le mois d’octobre où les citoyens vont ressentir dans leurs poches la mise en œuvre des premières mesures du Mémorandum, M. Tsipras entend exploiter l’ambiance, jusqu’à présent bonne, et demeurer au pouvoir. Y parviendra-t-il ? Il parie sur le dégoût que les gens éprouvent envers l’ancien système politique corrompu et les vieux partis politiques. Mais maintenant qu’il fonctionne lui-même comme ceux qu’il dénonçait ? Maintenant qu’il a signé, comme eux, un troisième et plus insupportable mémorandum, y survivra-t-il ? Car c’est lui qui a entamé le compte à rebours, et qui apparaît comme un partisan de ce même système que les gens avaient jusqu’à présent rejeté.

Démosthène Davvetas

Professeur de philosophie de l’art, poète, artiste visuel.